Fétu
Nous sommes prisonniers dans ce moment qui pourtant, par son incessant mouvement, est la figure même de la liberté.
D'un autre point de vue, nous sommes l'incessant refus d'habiter ce moment. Nous nous projetons en avant ou en arrière, et considérons même ce moment comme une des trois formes du temps, le présent. Il faut dire que, dans le moment où tout existe, il n'y a pas de place pour notre conception de nous, ni du monde, ni des autres êtres.
Voilà comment les choses se passent: le temps nous emporte. Nous en mourons (mais nous mourrons de toute façon.) Nous sommes dans une nacelle sur le ruisseau du temps. Ou, pour mieux dire, nous sommes sur le Lac d'Annecy, on n'entend que le bruit des rameurs, une femme est allongée de tout son corps à la proue, encore molle de l'orgasme que, (oh! pardon!) et nous disons: ô temps! suspens ton vol!!!

C'est vraiment ainsi: le temps qui va du passé au futur en passant par le présent nous porte à condition que nous nous posions dans une nacelle, une barque, un corps, un fétu.
Et ça donne une impression un peu mélancolique.